Le débat sur le sort des soldats des colonies, pendant et après la guerre, reste ouvert. Je me souviens du film Indigènes, produit et joué par Jamel et ses amis, que j’avais accueilli avec enthousiasme, et de l’amertume qui a suivi, constatant l’absence quasi totale des noir-africains dans la guerre du film.
Lors de mon dernier voyage au Burkina j’ai fait la connaissance d’Alexandre, et de son projet de documentaire sur les anciens combattants encore vivants dans son pays. Ils seraient au nombre de 23.
Alex a perdu son père il y a quelques années. Ancien combattant pour la France, de 1937 à 1944, dont 2 ans en captivité en Allemagne et évadé, il n’aura pas assez livré de souvenirs à son fils. Ce dernier a décidé de retrouver les amis de son père, combattants comme lui, et de recueillir leurs témoignages.
Alexandre m’a emmenée à une de ses prises de vue.
Le vieil homme était presque aveugle, mais de ses yeux bleuis, j’ai vu tomber des larmes au récit du plus douloureux moment de ses campagnes, une bataille où, de 15 000 soldats, il n’est resté que 75 survivants.
Alexandre et lui ont discouru sur la non-reconnaissance de la France et la responsabilité partagée avec les chefs coutumiers africains. J’ai aussi retenu ce moment où les combattants se sont vus refuser le droit de retirer leur pension an Afrique sous prétexte que la reconversion des francs en monnaie locale représentait trop d’argent …
Alexandre, artiste plasticien, auteur et acteur, a réalisé la silhouette de son père avec les accessoires personnels du disparu.
Je souhaite de tout cœur qu’il puisse aboutir à la réalisation de son film, car il cherche encore des soutiens financiers. Il m’a montré le dossier officiel de toutes les aimables lettres de refus que lui ont faits les services culturels de différents gouvernements, de quoi désespérer. Alexandre a emprunté un petite caméra numérique à son frère, et sans attendre, a commencé. La vie des anciens ne tient plus qu’à un film, il est plus que jamais encore temps de témoigner, et de réparer, pour les générations futures et la mémoire de l’Afrique offensée.