Lausanne, Musée de l'Art Brut, exposition L'ENVERS ET L'ENDROIT, extrait du dépliant (il n'y a pas eu de catalogue) : Broderie, couture, tapisserie, tricot, dentelle, crochet. Les travaux
d’aiguille, activités traditionnellement dévolues aux femmes, les ont
assujetties au modèle à suivre, au canevas et au si bien nommé patron.
Inféodées à ces tâches domestiques, elles y ont sacrifié leur
indépendance d’esprit et leur liberté créatrice.
Jeanne Tripier, Madge Gill, Agnès Richter ou Rosa Zharkikh font voler en éclats ces principes ancestraux et semblent bel et bien contester cet asservissement par leurs audacieuses et prodigieuses créations. Parures singulières, histoires de vie brodées, fétiches magiques, écheveaux poétiques, les auteurs d’Art Brut donnent corps à des rêveries qu’ils évoquent entre la transparence et l’opacité. A l’instar d’Adolf Wölfli qui, dans ses partitions musicales, invente ses propres notations de
solfège, Judith Scott, Juliette Bataille, Yumiko
Kawai ou Jules Leclercq imaginent points, nœuds, laçages ou tissages,
tantôt dans le raffinement, tantôt l’acharnement. Broder, coudre,
tricoter, autant d’actes rituels – favorisant la pensée vagabonde –
grâce auxquels ils se déprennent du réel et dévident leurs fantasmes. A
ce titre, la robe de mariée de Marguerite Sirvins, créée à l’aide de
fils tirés des draps de son lit pour un jour de noces improbable, est
emblématique.
(...) Les auteurs d’Art Brut, quant à eux, gagnent le large, tissent toiles et réseaux pour atteindre des territoires oniriques et mentaux vertigineux. Ils disent l’envers et l’endroit de l’existence. (sic)
Pour nous femmes couturières, plus que les peintures, les dessins, les photos, les oeuvres de couture nous touchent, car du regard on peut les toucher. Leur relief est une sculpture dont on connait le geste, à travers le fil, l'aiguille, le tissu familier. Le silence concentré sur le chemin des petits points qui avancent, on sait, et on est troublée. C'est pourtant la vidéo sur l'oeuvre d'un homme qui m'a absorbée : il est né dans une île en Ecosse, blessures familiales, inaptitude et prostration, exil dans un hôpital, puis retour sur l'île en fin de vie. On le voit dans la cuisine, puiser d'un sac des herbes et les tresser, ce qu'il a fait tout sa vie dans son atelier naturel, les champs, puisant sans doute son élément dans le contact du chaume dont on recouvre les toits ou de la paille manipulée pour faire la litière des chevaux, qu'il aimait par-dessus tout (voir pull et bottes ci-dessus).